Les quarante ans d'Ariane
24 décembre 1979, la première fusée européenne Ariane prenait son envol depuis Kourou, en Guyane. Quarante ans après ce succès, quel est le paysage de l'Europe de l'espace ?

Les quarante ans d'Ariane

L'avènement d'une puissance spatiale

Après différentes tentatives infructueuses, l'Europe rejoint fin 1970 le cercle très fermé des puissances spatiales. Certes, les débuts de l'astronautique avaient été européens avec le missile allemand V2, de sinistre mémoire, premier objet propulsé par l'Homme à l'altitude de 100 km, souvent prise comme seuil arbitraire de l'Espace. Depuis, l'espace a conservé ce pilier militaire indispensable à son financement.

Avec Ariane, l'Europe sécurise l'autonomie de son accès à l'espace. Le projet, démarré en 1973 dans le sillage de la création par 10 pays de l'Agence spatiale européenne (ESA), est international (donc civil), industriel et commercial. Il s'agit d'unir les forces des différentes nations et de leurs industries pour répondre à la demande croissante de lancements de satellites, en particulier de satellites de télécommunications à placer sur orbite géostationnaire.

Créé en 1961, le CNES joue un rôle clé dans l'aventure Ariane. Porteuse des intérêts stratégiques nationaux, l'agence spatiale a permis à la France d'être chronologiquement la troisième puissance spatiale au monde, avec la mise en orbite le 26 novembre 1965 du satellite Astérix-1. Depuis 1968, c'est au Centre spatial guyanais (CSG), placé sous la responsabilité du CNES que sont effectués les lancements des fusées européennes. Le 24 décembre 1979, la première fusée Ariane 1 décolle du CSG.
 

Une suprématie remise en cause

Pendant plusieurs décennies, les Européens vont bénéficier d'un choix stratégique malheureux des Etats-Unis. L'échec de la navette spatiale va en effet laisser le champ libre au lanceur européen dans ses différentes versions successives. L'offre commerciale portée par Arianespace s'étoffera avec les lanceurs Soyouz et Vega pour répondre aux besoins du marché. Arianespace renvendique ainsi la moitié du marché mondial du lancement de satellites.

Mais les choses changent avec la montée en puissance de nouveaux concurrents, chinois, indiens et surtout avec l'avènement de compagnies privées bien décidées à renverser l'ordre établi. Ainsi, Space X change la donne en ouvrant la voie des lanceurs partiellement réutilisables et en réduisant drastiquement les prix de lancement. Face à cette concurrence des acteurs privés du "new space", l'Europe de l'espace réagit, se réorganise. Le projet Ariane 6 est lancé avec comme objectif une baisse des coûts, ainsi que la possibilité d'atteindre plusieurs orbites lors d'une même mission. Les constellations sont passées par là, avec des satellites défilants, plus petits, plus nombreux, et à des orbites plus basses. Un nouveau modèle face au géostationnaire naguère hégémonique dans les télécommunications. L'un des nombreux défis que doit relever l'Europe de l'espace.
 

Des acteurs en ordre de bataille

Toute une filière intervient autour des lanceurs, des satellites et de leurs applications, utilisées au quotidien par les citoyens et les entreprises. Bref aperçu :

  • Selon la convention internationale qui a porté sa création, l'ESA « a pour mission d'assurer et de développer, à des fins exclusivement pacifiques, la coopération entre États européens dans les domaines de la recherche et de la technologie spatiales et de leurs applications spatiales ». L'ESA a ainsi conçu les programmes très ambitieux Galileo (radionavigation et positionnement) et Copernicus (observation de la Terre).

  • Placé sous la tutelle conjointe du ministère de la recherche et de celui des Armées, le CNES est l'agence spatiale nationale la plus importante des pays de l'Union européenne. Il est chargé d'élaborer et de proposer au gouvernement français le programme spatial français et de le mettre en oeuvre. Il conçoit notamment le programme Ariane 6, dont la réalisation est confiée à un maître d'oeuvre industriel, ArianeGroup

  • En France, l'ONERA est le centre de recherche public dédié au domaine de l'aérospatial.

  • Les deux principaux industriels français de l’espace, Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space (co-actionnaire d'ArianeGroup avec Safran), sont des chefs de file de stature mondiale dans tous les segments du secteur.

  • L'Europe abrite deux opérateurs de satellites majeurs : Eutelsat et SES

  • En Allemagne, la société OHB, oeuvre sur le segment des satellites.

  • En Italie, la société Avio a développé le lanceur Vega

  • Pas moins de 600 sociétés de 13 pays européens participent au projet Ariane.

Publié le 24/12/2019

En savoir plus:
  • Le site de l'histoire d'Ariane

https://ariane.cnes.fr/fr/
 

  • Ariane 6

https://www.ariane.group/fr/lancement-spatial/ariane-6/lanceurs-europeens/
 

  • Un rapport du Sénat sur la politique spatiale

https://www.senat.fr/rap/r18-636/r18-636_mono.html
 

  • Une pépite : les mémoires d'un des pionniers d'Ariane, ingénieur au CNES

https://nospremieresannees.fr/lanceurs/laj-Ariane/laj4-morin/page-01.html

 

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