Par Jean-Pierre Pouille, ancien chef du service de combustion et dépollution Diesel chez Renault

Historique du diesel
En 1892, Rudolf Diesel dépose son brevet dont le principe est d'améliorer le rendement des moteurs, en augmentant le rapport de compression. Conséquence : la température s'élève et donc la combustion devient plus efficace. Néanmoins un problème subsiste : le « cliquetis » (ou auto-inflammation du mélange air-carburant non encore brûlé) qui a tendance à se produire à des taux de compression élevés, ce qui est trop susceptible d’endommager le moteur. Pour remédier à ce problème, l'idée était d’introduire le carburant au dernier moment, en fin de compression, lorsque la température est suffisante pour que le mélange s'enflamme.
Dans l’automobile, après plus de cinquante années de suprématie des moteurs diesel à injection à préchambre (indirecte), cette technologie est peu à peu remplacée par celle du moteur diesel à injection directe afin d'améliorer le mélange air/carburant. Par ce procédé, la consommation de carburant se limite. Pour résumer, la puissance du moteur augmente tout en consommant moins de carburant, et donc en polluant moins. Jusqu'en 1990, la quasi totalité des automobiles se dotent de ces moteurs. Les Allemands de Volkswagen vont embrayer le changement. C'est la rupture technologique !
Une ombre au tableau : ces moteurs sont très bruyants, il leur faut donc réduire ce désagrément. Vite, la rampe commune d’injection ou « common rail » va être intégré dans ces moteurs pour atténuer le bruit et satisfaire à des niveaux de normes de dépollution de plus en plus draconiennes. Il s'agit d'un dispositif qui augmente la pression d'injection et donc le débit de carburant dans le moteur. Tous les contrôles de débit sont réalisés au niveau des injecteurs, pilotés par des calculateurs d'injection. La maîtrise du débit de carburant pour l’optimisation de la consommation pousse les constructeurs à doter tous les moteurs diesel de cette nouvelle technologie.
Aujourd'hui, les véhicules roulant au diesel possèdent des moteurs à injection directe et une rampe commune d’injection.

Introduction du diesel en compétition
Avant l'instauration des moteurs à injection directe, la performance des moteurs à essence dominait largement celle des moteurs diesel. C'est pourquoi le diesel n'avait pas sa place dans la compétition. Aujourd'hui, le moteur diesel à injection directe s'est perfectionné et a atteint des puissances équivalentes aux moteurs à essence.
Parallèlement, pour que le diesel puisse entrer dans la course, les organisateurs des 24 heures du Mans (l'Automobile Club de l'Ouest ou ACO) et les écuries devaient être en accord avec les attentes du public qui, lui, apprécie le bruit grondant des moteurs.
L'ACO a l'ambition de relancer l'intérêt pour la course. Pour cela, rien de mieux que les innovations technologiques.
De plus, l'environnement est au cœur des préoccupations : les émissions de gaz à effet de serre sont surveillées.
La solution était toute trouvée : les moteurs diesel apportent un renouveau technique et écologique.
Les moteurs diesel émettent 20% de CO2 de moins que les moteurs à essence. Mais c'est bien leur aspect qui les handicape : les fumées émises par les motorisations diesel nuisent à leur image. Elles déplaisent surtout aux Américains, potentiels acheteurs des véhicules à moteur diesel. Heureusement, ils sont friands de la fameuse course. La boucle est bouclée : les voitures des 24 heures du Mans utiliseront le diesel pour carburant.
Ces dernières années, les constructeurs se sont penchés sur le gain de performance spécifique des moteurs diesel. La comparaison avec les moteurs à essence est inévitable. Cependant ils sont très différents à tous points de vue : les régimes de rotation, les possibilités de suralimentation, etc. Les écuries trouvent des solutions adéquates menant le diesel à prendre son essor.
Malgré tous les obstacles, les constructeurs automobiles ont réussi leur pari. Le diesel sera le carburant utilisé aux 24 heures du Mans.