Une démarche anticipatrice
Cinq étudiants du pôle Léonard de Vinci (Romain Mourad de l'ESILV, Laura Besnier de l'EMLV, Arthur Desbois, Yannis Battiston et Thomas Lhomme de l'IIM) sont à l’origine de ce projet qui vise à créer des logements en même temps qu'une activité d'agriculture urbaine. Les concepteurs de ce projet sont dans une dynamique solidaire et ouverte, orientée vers les prochaines générations. En effet, le problème du logement est loin d'être résolu en France. Selon la fondation Abbé Pierre, 14,6 millions de personnes seraient concernées directement par la crise du logement en France (source : La Tribune). Rien qu'à Toulouse, qui a servi de cadre d'étude au projet, 30 000 personnes sont sur liste d’attente pour se voir attribuer un HLM, pour une population de 1,3 million d'habitants. Si, pour Ariane Lenhardt, cheffe de projet R&D à XTU Architects, ce projet s’insère dans “plusieurs problématiques réelles de nos sociétés urbaines”, un programme d’une telle envergure n’est pas sans soulever des questions - tant architecturales qu’économiques - comme autant de défis à relever pour les jeunes entrepreneurs.
Le projet
Il s'agit d'habitations pensées pour prendre en compte les enjeux tant écologiques qu’économiques. Les logements seront ainsi répartis autour d’une serre verticale de 20 mètres de haut, sur quatre étages. L'occupation des sols est ainsi optimisée. Au rez-de-chaussée, les produits issus de la serre seront stockés et proposés à la vente à des tarifs préférentiels aux habitants des logements sociaux. Le coeur du projet n’est autre qu’un dispositif d'agriculture urbaine qui optimise l’espace disponible. A chaque étage, se trouveront divers systèmes «agritech», dont des potagers hydroponiques combinant l'élevage de poissons et la culture de plantes. Les nutriments relâchés par les poissons permettent le développement les plantes, en évitant les apports d'engrais. Le logement social - prévu pour accueillir 150 personnes - sera doté de panneaux solaires ainsi que d'un système de récupération des eaux de pluie afin de couvrir les besoins en eau et en énergie de la serre. Quant aux déchets organiques produits, ils seront tout simplement transformés en compost.
Un développement technique, économique, social et écologique
En plus des logements, le Jardin à loyer modéré contribue à l’économie locale en proposant ses produits à des prix attractifs, notamment du fait de l’absence des coûts de transport. Sur le plan environnemental, ce rapprochement des sites de production avec les lieux de consommation s'accompagne d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre et des pollutions. Autre levier de la sensibilisation des générations futures aux enjeux environnementaux. Ariane Lenhardt en est convaincue, pour faire fonctionner un tel dispositif : “il faudra embaucher un ou plusieurs professionnel(s) qualifié(s), ce qui représente une charge économique importante. Bien entendu, dans le cadre d’une formation professionnelle, cela devient socialement intéressant. En effet les systèmes hydroponiques sont très contrôlés, la quantité de nutriments est mesurée fréquemment, et des nutriments sont réintroduits régulièrement dans le milieu au fur et à mesure qu'ils sont consommés par les plantes. D'autres paramètres tels que la température doivent être contrôlés, notamment pour protéger les végétaux, très sensibles aux parasites, ou la continuité de l'alimentation en électricité qui sert à alimenter les pompes, car en cas de coupure, tout risque de mourir très rapidement.» Du reste pour l'architecte, une voie plus sobre et «frugale» devrait être investiguée en alternative à cette option certes innovante mais gourmande en investissements et en frais de fonctionnement. L'agriculture urbaine devra faire face à de nombreux défis pour trouver toute sa place dans le cadre de vie des citadins.
Emma Lalouis et Cloé Bineau